Toute GaGateuse de l'arrivée de ma filleuille "Lucie" toute fraiche d'une semaine tout juste, je me suis penchée sur l'accouchement au Moyen-Age.
Voici donc le fruits de mes recherches sur le net :
A la campagne :
Chez les gens modestes, la mère de la parturiente (femme qui accouche), les voisines et une à deux matrones (les sages-femmes de l'époque) assistent à la venue de l'enfant. On rit, on boit et les hommes n'ont pas le droit d'entrer dans la maison. Qu'il pleuve ou qu'il vente, le mari n'entre pas chez lui. On délie tous les nœuds de la maison, et même, dans l'étable, les vaches sont détachées, pour éviter que le cordon ombilical ne s'enroule autour du cou du bébé.
Lorsque les premières douleurs surviennent. On vient avertir le père qui est aux champs. Il laisse aussitôt son ouvrage et court chez la baïlo (sage-femme). Chaque village, en général, comptait au moins une baïlo — nommée l’accoucheuse en français.
Au château :
Des tapis et des tentures sont spécialement disposés dans la chambre. La mère, plusieurs matrones, des femmes domestiques, des cousines et des tantes viennent assister et soutenir la femme qui accouche. Un médecin est dans les parages, en cas de complications.
Malheureusement, quand on a affaire à lui, c'est généralement pour constater un décès.
Dans la pièce d’à-côté, le pauvre père endure le martyre avec son beau-frère, venu le soutenir. Jamais il ne tape à la porte pour demander des nouvelles; cela porterait malheur à sa femme.
En ville :
Dans les villes, parallèlement à la médecine des monastères, dès le Xe siècle, apparurent les "mires" sorte de médecins laiques, guérisseurs, dont les femmes "les miresses" ou mirgesses" pouvaient probablement pratiquer librement les accouchements. L'art des accouchements subit la même détérioration. Il est alors probablement pratiqué par des descendantes des druidesses. Réfugiées dans les forêts ou en des lieux retirées, elles furent identifiées à des fées; puis, christianisées, on les baptisa "sorcières" pour mieux les exterminer. Il semble que les sages-femmes aient constitué un corps médical, une communauté reconnue officiellement, car elles étaient requises comme expertes avec des médecins et des chirurgiens lors de procédures dites "lits de justices". Elles sont désignées comme "matrone jurés".
Les femmes très pauvres accouchent à l'hôpital, en salle commune. A Paris, l'Hôtel-Dieu dispose d'une salle de vingt-quatre lits que l'on peut occuper à partir du 8e mois de la grossesse. Les femmes accouchent sous le regard des autres, dans des conditions d'intimité inexistante.
L'accouchement :
La période de la naissance était un autre sujet de préoccupation. Sachez, sans crainte de vous tromper, que si un de vos ancêtres est né dans les Bouches-du-Rhône au mois de mai, on a dit qu’il mourrait jeune. Ces craintes superstitieuses et souvent injustifiées donnaient le sentiment de maîtriser et d’appréhender des étapes de la vie qui demeuraient, par définition, difficiles à bien anticiper. Une naissance en mars ferait un enfant vif et gourmand. Dans d’autres départements, particulièrement dans le Vaucluse, les naissances de mars donnaient un enfant qui "pleurerait comme la vigne", de caractère maussade. Au contraire, les enfants de mai seraient enjoués.
Le vendredi n’était pas vraiment recommandé pour les naissances; les enfants nés ce jour seraient sujets aux visions.
La matrone (autrement appelée ventrière) renifle l'haleine de la parturiente. Si elle est bonne, l'accouchement sera facile ; mauvaise, il sera difficile. A l'époque, on considère qu'une femme battue accouche toujours difficilement. Un bain rempli de mauve, de camomille, de fenouil, de lin et d'orge détend la future mère. On lui fait boire de la poudre de matrice de lièvre mélangée à du vin, car cet animal accouche très rapidement. Puis, une fumigation entre les jambes lui relaxe les chairs.
Si l'accouchement s'annonce difficile, la parturiente fait le tour de la maison à pied, monte et descend les escaliers. Elle met du poivre ou de l'encens dans ses narines, afin de provoquer des éternuements puis des contractions.
Arrivée au chevet de la future mère, la sage-femme s’assure que celle-ci ne porte aucun bijou en or. L’or, c’est bien connu, empêche les enfants de "bien venir". Les hommes, bien entendu, ont quitté la pièce, mais plusieurs femmes restent là: les soeurs, la mère, les amies, les voisines et une jeune fille vierge.
Avant de se retirer, le père aura pris soin de remettre à la baïlo un cierge bénit, censé porter bonheur au nouveau-né. Comme l’accouchement se complique et que "leis ramados" (les douleurs) s’amplifient, la baïlo prépare pour la future mère une tisane de genévrier qui accélèrera le travail.
A mesure que la grossesse avançait, l’angoisse survenait quant à l’accouchement. Le nombre d’enfants morts-nés — ou non-viables — fut particulièrement effrayant jusqu’au début du XIXe siècle. Ces naissances malheureuses s’accompagnaient parfois du décès de la mère, ajoutant un second deuil au foyer, et laissant un père désemparé. A dire vrai, toutes les femmes enceintes invoquèrent un jour la Vierge pour obtenir une délivrance heureuse. Des saints, même, se spécialisèrent, telle Notre-Dame de l’Espérance, en l’église de Saint-Martin à Marseille, où se déplaçaient toutes les Marseillaises sur le point d’enfanter. Se placer sous la patronage de la Vierge en pareille circonstance était censé contribuer à préserver la femme enceinte des douleurs de l’accouchement. Il y avait à Marseille un proverbe que l’on destinait aux femmes sur le point d’accoucher : "Ben leou, n’en sera eis ahi ! et eis ouï !" (Bientôt, elle en sera aux aïe ! et aux ouilles !).
Elle accouche adossée à une assistante de la matrone, qui la soutient sous les bras, ou accroupie dans son lit. La matrone s'enduit les mains d'huile de violette et de laurier. Elle entre ensuite sa main dans la femme pour aider à dilater son col. Si l'enfant se présente mal, elle le repousse et essaie de lui faire prendre la bonne position.
En cas de naissance de jumeaux, on place un fil sur le poignet du premier pour les différencier. Qui n’a jamais eu de jumeaux de sexe différent chez ses ancêtres? Cet accident de la nature effrayait les parents et l’on alors prédisait la mort précoce de l’un des deux enfants. En revanche, les enfants naturels, eux, étaient promis à une vie de bonheur. On disait d’eux qu’ils étaient "fils d’un prêtre"! (C’était bien entendu assez souvent le cas.)
La religion et la magie sont très présentes dans ces moments où la vie peut disparaître. Le fœtus, dès qu'il bouge, a une âme et est relié à Dieu. Sa vie est plus importante que celle de sa mère, considérée comme impure. Elle a forniqué, elle est donc souillée et ne retrouvera sa "pureté" qu'après les relevailles, un mois après la naissance. De toute façon, dans l'imaginaire populaire de l'époque, une femme qui a péché accouche d'un monstre, diable ou animal.
Pour un accouchement "facile", les curés louent des ceintures de sainte Marguerite, faites à base de racines de courge. Les futures mères peuvent aussi porter sur elle le "sachet accoucheur" de sainte Marguerite, du corail accroché à la cuisse droite et, pour les plus fortunées, un diamant dans la main. Henri V d'Angleterre loue même le "saint prépuce" pour les accouchements de sa femme Catherine de France.
On conseille aux femmes enceintes de retenir leur respiration puis de souffler, en association avec les contractions.
L'enfant sort enfin, la matrone coupe le cordon à quatre doigts du nombril (pour les quatre saisons et les quatre âges de la vie). Puis, elle nettoie les glaires du bébé avec un mélange de rose pilée, de miel et de sel, pour resserrer la peau de l'enfant. Enfin, un cri retentit. Voila un nouveau membre dans la famille. Aussitôt on l’inspecte sous toutes les coutures. Celui-ci "es nat couiffat" (est né coiffé), c’est-à-dire avec la crépine, une partie de la membrane foetale, sur la tête. Cela lui portera bonheur! On dira de lui toute sa vie: "es nassut eme la crepino", il est né avec la crépine.
Elle doit faire sortir la secondine (le placenta) du corps de la mère avec les mains et si besoin, elle lui fait boire du jus de poireau avec du miel pour la faire vomir. La sage-femme entreprend de retirer ces restes de placenta qu’elle place dans un bocal et qu’elle conservera. Elle le prêtera de temps en temps à ses amis qui ont besoin d’un coup de chance.
Le père, accouru dans la chambre, admire son fils. Il n’ose pas dire à quel point il est soulagé. L’année dernière, sa femme avait mis au monde une fille. Pendant cette nouvelle grossesse, il n’a cessé d’appréhender ce que dirait son entourage si une nouvelle fille était arrivée: un homme faible, sans virilité, incapable de donner à sa femme un garçon. Pis encore, peut-être l’aurait-on traité de "coucou" (cocu)! Il prend son beau-frère par les épaules et tous deux vont fêter la nouvelle par les rues du village.
Si le périnée est déchiré, elle ramollit les chaires avec du beurre fondu puis fait trois ou quatre points de suture avec du fil de soie.
Pour éviter que des démons ne viennent, la sage-femme enterre ou brûle la secondine, et on lui fait cadeau du cordon ombilical qui, séché et réduit en poudre, peut être vendu comme philtre d'amour.
Après l'accouchement, si la maman est saine et sauve, elle a droit à un verre de vin, une volaille et son bouillon. Mais, au Moyen Age, on comptait tout de même 50 % de mortalité lors des accouchements !
Avant de retourner chez elle, la sage-femme avertit la mère de ne pas nourrir son enfant jusqu’au lendemain. Elle le fera patienter avec de l’eau sucrée en attendant. Qu’elle prenne soin aussi de ne pas l’allaiter plus d’un an, pour ne pas en faire un idiot.
Il s’écoulera plusieurs jours avant qu’elle se rende à l’église pour être officiellement relevée et, d’ici là, il aura fallu baptiser l’enfant. Cette période d’isolement était obligatoire sous peine de porter malheur au nouveau-né.
Même dans les cas malheureux où la mère mourait en couches, le père était responsable des relevailles de sa défunte épouse. Il chargeait la sage-femme et la marraine de l’enfant de se rendre à l’église en compagnie du curé qui prononçait officiellement les relevailles de la défunte. Si c’était l’enfant qui était mort avant les relevailles de sa mère, celle-ci devait tout de même respecter un période d’isolement avant de se présenter à l’église.
Et ben .... Vive le progret !!!