I/ Le sanctuaire de Gournay sur Aronde (Oise) :Présentation du site et du mobilier exhumé:Position : A 80m d’une petite vallée d’eau morte, à l’écart de la population lors de sa création, et à l’entrée d’un oppidum de plaine.
Forme : Un rectangle de 40/45m entouré d’un fossé périphérique large de 3m et profond de 2.
Il s’agit d’un enclos sacré, l’égal des « temenos’ grecs, matérialisé par un mur de bois et de torchis et deux fossés.
Entrée à l’Est dans l’axe du soleil levant, celui du solstice d’été. Proche menu de vantaux, Strabon citant Poseidonios n’hésitera pas à parler de « propylaïos » qu’il précise sont ornés de crânes humains. Sur les murs étaient également accrochées des armes.
A l’intérieur de l’enclos, se trouvait un bosquet d’une dizaine d’arbres tout à côté de la zone de l’autel au centre de l’enceinte. Un espace vide autour permettait d’assembler une dizaine de participants au culte.
Autel creux, sans doute pour des divinités souterraines. On leur attribue généralement un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de la fertilité animale et végétale mais aussi dans le devenir des morts.
Des sacrifices de commensalité associaient aussi à une même table les dieux et les hommes. Pour cela, il y avait également un foyer permettant de griller la viande.
Ces structures creusées sont fragiles et sont donc cuvelées et pour l’autel il se verra coiffé d’un dais avec toiture à double pente fiché sur onze poteaux libres, à l’image de ce que les guerriers avaient sans doute pu voir dans le monde méditerranéen.
Plusieurs lieux superposés : 2 sanctuaires en bois de l’Indépendance , un temple avec galerie en bois d’époque Augustéenne et un fanum du Bas-Empire (3ème, 4ème).
Similarités avec d’autres sanctuaires : Mirebeau (Côte D’or) ou d’autres en territoire Bellovaques : Vendeuil-Caply, Saint-Maur, Fesques.
Différence chez les peuples voisins : enclos de Bennecourt des Yvelines très petit.
Les restes sacrificiels de l’enclos périphérique :
Problématiques :- Identité de ce qui était sacrifié ? Quels critères de sélection des victimes ? La façon de sacrifier ? Quel destin pour les restes sacrificiels ?
Les restes : 3000 os complets, armes : 2000 objets ou fragments presqu’exclusivement en fer, très peu de céramique.
On peut dès lors distinguer trois types de sacrifice (ici par ordre d’importance numérique):
- A/ celui des armes
- B/ celui des animaux
- C/ celui des humains
A/ Les armes : A.1 Le rituel :On pense que ces armes ont été déposés solennellement par des guerriers ayant pris ces armes à l’ennemi, ceci s’échelonnant sur près d’un siècle.
Elles ont été fixées au mur de l’enceinte ou aux montants du proche, selon les modalités du rite de l’«anathema » connu de la Grèce et du monde italique. On attend alors qu’elles se décrochent du mur. Dès lors l’arme a perdu son statut sacré ou tout au moins son principe actif. On la détruisait ensuite pour qu’elle ne puisse plus être utilisé par les humains.
A.2 Analyse de la destruction rituelle de l’armement : « La consécration des armes s’est faite à travers leur destruction, systématique et minutieuse. Les procédés de cette destruction tiennent compte de la morphologie de l’objet ».
- Pour les fourreaux d’épées constitués de tôles de fer (on en a retrouvés 525), on remarque qu’ils sont pliés de n’importe quelle manière, soit ouverts ou encore cassés en morceaux.
- Pour l’épée (247), elle peut être aussi pliée ou cassée mais l’on constate également que certaine ont un tranchant martelé par une autre épée si bien que la lame a pris la forme d’une lame de scie
- Les boucliers sont démontés et on retrouve unique leur umbo (250), lui aussi, maltraité à coup de hache, d’épée ou de lance.
- Lances (84 en fer, 55 talons) sont tordues, pliées ou plus souvent coupée à leur extrémité à l’aide d’une pince tranchante.
- Autres : (Chaine de ceintures, fibules, outils, etc..) se prêtant moins au sacrifice on les retrouve généralement morcelés.
On remarquera que ces sacrifices affectent les objets en fer, ce qui n’est pas anodin, compte tenu de la valeur symbolique inhérente à ce dernier au très justement nommé « âge du fer ». Mais le choix du fer peut être aussi dû à sa rapide oxydation.
Tant les restes sont importants on peut déterminer des strates dans ces restes sacrificiels, si bien que l’on peut affirmer une évolution des pratiques. Les couches les plus profondes (La Tène moyenne, Mi IIIème) contiennent encore des objets intacts et d’autres pliés une seule fois alors que plus on se rapproche des dépôts du milieu du Ier BC on observe une destruction de plus en plus complexe et minutieuse parvenant même parfois à la fragmentation extrême d’objets.
Une destruction ordonnée : Au-delà de cette aspect violent et désordonné dans le sacrifice subsiste un rite, au sens étymologique du terme celui de recette, puisque l’on observe un calcul des emplacements et du nombre de coups. La connaissance de l’objet permet le sacrifice ; les outils et techniques (pinces coupantes, marteau, chauffe) du forgeron viennent également s’adjoindre à ce savoir dans le processus de destruction rituelle.
B/ Les ossements animaux :Les restes animaliers, sont ici particulièrement précieux, car entiers, ce qui nous permet de découvrir l’identité, la morphologie et le traitement post-mortem de ces animaux.
B.1 Les espèces sacrifiées : Ne sont sacrifiés que des espèces domestiques, à l’instar des religions grecque et romaine, où principalement :
- le bœuf (avec au moins 52)
- le mouton (93)
- et le porc (33).
Deux autres espèces présentes : les équins (difficile de distinguer le cheval, du mulet ou de l’âne) au nombre de 8 et 5 chiens.
Les chiens et la volaille n’apparaissent qu’à la fin du IIème.
B.2 Les rites du sacrifice : On observe des variations dans la mise à mort et le traitement en fonction des espèces et parfois même à l’intérieur de celles-ci.
- Quels choix : Par exemple : On remarque un âge important chez les bovins (au point qu’ils sortent des courbes d’âge que nous connaissons). Mise à mort variable un ou deux coups.
- Quelle mise à mort ? : 2 sortes de coups sur les crânes. Frontal enfoncé par un coup de maillet ou la nuque tranchée à l’aide d’une hache. On remarque une fréquente ablation du museau mais il ne semble pas destiné à donner la mort. D’autres animaux ne portent aucune trace et ont dû être égorgés
- Quel devenir pour ces ossements ? Une grande partie du squelette de ces animaux a été retrouvé dans le fossé et n’a donc pas été consommée.
Remarque : Pour le mouton c’est l’inverse, on a des individus jeunes, ils ont été consommés et seuls quelques os par squelette ont été déposés dans le fossé.
B.3 Conclusions :On distingue deux sortes de sacrifices, celui des bovidés entièrement dédié à la divinité, l’autre de commensalité où s’opère un partage où les humains se réservent les meilleurs morceaux gigots, épaules, jambons. Les os des parties consommées sont jetés dans le fossé intérieur, ce qui laisserait penser que le repas se déroule dans l’enceinte, en présence des dieux, sans doute installés dans le bois sacré à proximité qui en était l’émanation.
Synthèse : Assez semblable avec le sacrifice d’armes, à savoir l’existence de règles strictes dans le choix des animaux et des manières de les mettre à mort. Ce sacrifie nécessitait lui aussi des spécialistes versé dans l’anatomie des animaux. On aperçoit également un statut religieux particulier à chaque animal d’après leur position dans le fossé, celles du cheval et du bœuf sont privilégiées.
C/ Les restes humains : Ils sont plus rares, une soixantaine d’ossements sont recensés pour une douzaine d’individus. Une série de vertèbres cervicales présentant des traces de coups d’épées et de couteau paident en faveur d’une décapitation au niveau de la nuque alors qu’elle était en position flêchie et que le tronc de l’individu devait être en position verticale. La question polémique du sacrifice humain est de mise ici.
Les gestes suivant le sacrifice : victimes pas systématiquement consommées, du moins pas totalement. Que ce soit les armes ou les os, la plus grande partie n’a pas été trouvée à l’intérieur du sanctuaire. Elle était sans doute déplacée ailleurs en vue d’autres opérations rituelles comme c’est le cas dans beaucoup de religions (rites de purification et de fertilité à l’aide de restes sacrificiels).
Parcours des restes retrouvés dans le fossé :
- Dépouilles d’animaux dans des sorte de silos situés dans le sanctuaire pour qu’ils pourrissent jusqu’à un stade précis (désolidarisation de la plupart des articulations sauf de la colonne vertébrale).
- Crânes prélevés auparavant pour une exposition spectaculaire.
- Dépôt des os dans le fossé en situation d’exposition et non de déchet.
Le fossé est aménagé pour les recevoir, cuvelé de douves en bois et perpétuellement gardé propre (terre et feuilles ne recouvraient pas les os)
Même sort pour les armes, la rouille jouant le rôle de la pourriture. Ces rites sont constant pendant deux siècles LT Moyenne – moitié Ier BC.
Il est probable que la guerre des Gaule ai provoqué la cessation de ces rites et la transformation du sanctuaire où l’on ne retrouve plus de restes sacrificiels.
Les rituels de Gournay possèdent leur équivalent Grec et Romain, et attestent bien du statut de ce sanctuaire comme pièce maitresse d’un système économique et social.
Le sacrifice de grands animaux est à rattacher à un culte collectif qu’il faut même qualifier de public. Dans la sphère privée, des animaux plus petits pouvaient être offerts aux divinités protectrices de la famille. Mais sur ces cultes, se posent le problème de la distinction entre pratique rituelle et simple alimentation.
Bibliographie :
BRUNAUX - « Lieux de culte et pratique rituelles des celtes, nouvelles découvertes en France », in gallia, 1984 pp 150-162
BRUNAUX – « Religion et sanctuaires » in, C.GOUDINEAU (sous la direction) – Religion et société en Gaule, Errance, 2006, pp95-115
http://www.gournaysuraronde.com/histoire.html#enclos