Grégoire de Tours, historien des Francs

Bonjour à tous
Mon premier exposé de l'année portant sur Grégoire de Tours, je le prends comme prétexte pour vous faire profiter de mes recherches !

Tout d'abord le contexte. Le VI ème siècle correspond à ce que les historiens appellent les "Dark Ages" ( surtout en Grande-Bretagne), car cette période nous a livré extrêmement peu de sources fiables. Par ailleurs, les préjugés populaires sur ce siècle sont nombreux : on a tous en tête le cliché des hordes barbares déferlant sur l'Occident, cliché d'ailleurs en partie faux. D'un point de vue général, le VI ème siècle a longtemps été considéré comme une période de recul de la civilisation après la chute du brillant Empire Romain d'Occident. cependant, les recherches historiques dernières décennies tendent à prouver le contraire.

Grégoire de Tours est né en 538 ou 539. Il est issu d'une ancienne noblesse sénatoriale, de par son grand-père, et compte de nombreux évêques et personnages importants des deux côtés de sa famille. En effet, nombre des familles sénatoriales de la fin de l'Empire ont choisi de collaborer avec les nouveaux dirigeants barbares, ce qui leur a permis d'obtenir un monopole durable sur les évêchés notamment.
Bien qu'issu d'une puissante famille, il reçoit une éducation relativement peu poussée, surtout religieuse en vu de sa future carrière. Orphelin très tôt, il poursuit ses études d'abord chez son grand oncle maternel, Nizier, évêque de Lyon, puis chez son grand-oncle paternel Gall, évêque de Clermont. Ses études se terminent en 563 par son ordination en temps que diacre.
Peu de temps après, doté d'une santé fragile, il se rend sur le tombeau de St Martin de Tours, aux vertus curatives reconnues. Ayant obtenu la guérison, il décide de s'établir dans la ville. S'ensuit une période à la cour du roi d'Austrasie ( Sigebert ?), dans le but d'obtenir l'évêché de Tours, ce qui se produit en 573, date à laquelle il succède au cousin germain de sa mère, qui était évêque dans cette même ville. On voit que la famille de Grégoire avait développé un important réseau d’épiscopat, qui donne bien sûr un poids local important.
C'est à cette époque qu'il commence à écrire son œuvre la plus importante, nommée Decem libros historiarum, c'est à dire " Dix livres d'Histoire", que la postérité nommera "Histoire des Francs". Il s'agit en réalité d'une histoire universelle, qui retrace l'histoire du monde depuis la Création jusqu'en 591, date à laquelle il écrit le dernier évènement mentionnée, la sécheresse qui sévit durant l'été.
Cette Histoire est d'un intérêt fondamental. Loin d'être un pontifiant traité, il s'agit plutôt d'un recueil de souvenirs ( du moins à partir du livre 5), alliant anecdotes amusantes et évènements vécus. On lui doit notamment la propagation d'histoires très connues comme le Vase de Soissons, le baptême de Clovis, le supplice de la reine Brunehaut ... L'auteur s'inscrit dans ces évènements comme un témoin, et parfois même un acteur.
En effet, l'évêché de Tours jouit d'un prestige important grâce au patronage de St Martin, faisant de son évêque un personnage influent. Grégoire de Tours utilisera d'ailleurs cette influence, notamment pour se dresser contre le roi Chilpéric 1er.
D'une manière générale, l’œuvre de Grégoire de Tours semble naïve. En effet, l'auteur envisage les évènements, bons ou mauvais, comme des conséquences de la position des protagonistes face à la loi divine. Ainsi, il légitime la conquête de la Gaule par Clovis grâce à sa conversion au christianisme, et justifie la défaite du roi Goth Alaric II par son arianisme.
Deux mots sur cette doctrine arienne, qui dirigea d'une façon indirecte la politique des temps barbares. Les ariens ( rien à voir avec le pangermanisme) pensent que, au sein de la Trinité, le Fils est inférieur au Père, ce qui s'oppose au dogme catholique, qui stipule que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont une seule et même substance. D'une manière générale, les Goths convertis étaient Ariens, tandis que les Francs se sont convertis au catholicisme. La doctrine arienne a par ailleurs été jugée hérétique au Concile de Nicée. Grégoire de Tours affirme dans son œuvre sa farouche aversion pour l'arianisme.
Grégoire de Tours écrivait dans une langue appelée latin vulgaire, qui se rapproche d'un latin oral. Ce latin deviendra plus tard le roman, puis le français. L'auteur s'excuse d'ailleurs au début de son livre de la "rusticité de son style et de l'imprécision de sa grammaire". Cette adresse au lecteur est révélateur de l'ambiance bon enfant de son ouvrage, qui se veut ouvert à tous, et accessible.
Bien que d'une culture médiocre, Grégoire de Tours est un excellent historien : il décrit les cadres de sa société avec minutie, est très perspicace et quasiment "scientifique". par ailleurs, il explicite sa démarche en début d'ouvrage, en affirmant qu'il écrit pour laisser une trace aux hommes du futur de ce qui s'est passé de son temps.

On retiendra de cet homme exceptionnel par bien des points qu'il fut en quelque sorte le premier historien de la France. Chroniqueur et commentateur de son présent, il nous a laissé un témoignage précieux voire inestimable, qui nous fait pénétrer au cœur de l’intimité de ce monde franc resté longtemps incompris.
Notre homme meurt le 17 novembre 594.