La légende de la ville d’YsAu Véme Siècle de notre ère, le bon roi Gradlon régnait en maître sur la cornouaille. Il était ce que l’on appeler un « roi guerrier » : il possédait une flotte imposante qu'il aimait opposer à ses ennemis. C’était un excellent marin et stratège qui gagnait nombre de combats, pillant alors les navires ennemis et remplissant ses coffres d'or et de trophées.
Une de ses campagnes le mena en plein hiver dans une lointaine contrée. Le froid eut raison de ses soldats, qui se mutinèrent et l’abandonnèrent là, regagnant leurs navires en direction de la Bretagne. Après l'exaltation des combats et des victoires, Le Roi se retrouva seul…
Il erra longuement dans la steppe désolée jusqu'à ce qu'il aperçu une femme aux longs cheveux roux, blanche comme le clair de lune et vêtue d'une cuirasse ruisselant de la lumière de l'astre.
C'était Malgven, la Reine du Nord, souveraine boréale régnant sur ces pays glacés qui dit au roi: "Ta renommée est venu jusqu'à moi: je connais ton courage et ton adresse au combat. Mon vieux mari est, lui, incapable de tels exploits. Nous allons le tuer puis, tu m'emmèneras dans ton royaume de Cornouaille."
Ils tuèrent le vieux roi du Nord, remplirent un coffre d'or et, enfourchèrent Morvarc'h ("cheval de mer" en Breton), le cheval magique de Malgven. Noir comme la nuit, il soufflait le feu par ses naseaux et galopait sur les vagues comme il l’eut fait sur la terre ferme.
Gradlon et Malgven restèrent une année entière sur la mer pendant laquelle la reine lui donna une fille : Dahut. Hélas! La reine tomba malade et mourut. Le Roi Gradlon et sa fille rentrèrent donc en Cornouaille. Obsédé par la disparition de son épouse, il ne retrouva jamais femme et éleva seul l’enfant.
Dahut grandissait. Elle était très belle, comme sa mère. Et profondément attachée aux anciennes traditions celtiques. Charmée par la mer, elle passait la majeure partie de son temps sur la grève…
La ville construite contre la merLors d’une partie de chasse dans la forêt de Neved, le roi avait fait connaissance de saint Corentin, ermite chrétien qui avait réussi à le convertir à la nouvelle foi alors que sa fille restait profondément attachée aux anciens cultes.
Dahut accusait Corentin, devenu évêque de Quimper, d'avoir rendu la ville triste et ennuyeuse. Elle rêvait d'une cité où seules règneraient richesse, liberté et joie de vivre.
Ici, deux récits sont connus : Dans le premier, notre princesse se rend sur une île (Avalon ?) et invoque les Korrigans en leur demandant de lui bâtir « sa » citée, située près de la mer (dans le Baie de Douarnenez) et où le christianisme n’aurait pas sa place.
Dans le second, Dahut demande directement à son père de lui bâtir la cité…Lequel accepte…
Le fait est que la ville fut construite, et ce, sous le niveau de la mer. Pour la défendre des hautes vagues et des tempêtes, il fut construit une très haute digue encerclant la ville, avec une unique porte de bronze qui y donnait accès. Le Roi Gradlon seul en possédait la clé et la portait en permanence autour du cou. On l'appela ville d'Ys.
Ys la majestueuse était la plus puissante et la plus belle au monde. On y trouvait des multitudes de marchands, des rues grandioses et d’immenses palais. Elle devint un endroit où l'on s'amusait. La ville s'emplit de marins. Chaque jour voyait de nouveaux festins, des jeux, des danses.
Dahut et la MerDahut était envoûtée par la mer. Elle entretenait avec des rapports étranges : Les pécheurs, chaque soir, voyaient sur la plage un femme qui chantait, peignant ses longs cheveux blonds.
Océan, bel Océan bleu, roule moi sur le sable, je suis ta fiancée,
Océan, bel Océan bleu.
Je suis née sur la mer, dans les vagues et l'écume,
quand j'étais enfant je jouais avec toi.
Océan, bel Océan bleu, roule moi sur le sable, je suis ta fiancée,
Océan, bel Océan bleu.
Océan, toi qui retourne bateaux et hommes,
Donne moi les navires naufragés et leurs richesses, or et trésors.
Fais venir dans ma ville de beaux marins que je pourrai regarder.
Ne sois pas jaloux, je te les rendrai l'un après l'autre.
Océan, bel Océan bleu, roule moi sur le sable, je suis ta fiancée,
Océan, bel Océan bleu."
Le masque magiqueChaque jour, la princesse Dahut avait un nouveau fiancé. Le soir, elle lui mettait un masque noir en soie sur le visage, il restait avec elle jusqu'au matin. Des que le chant de l'alouette se faisait entendre, le masque se resserrait sur la gorge du jeune homme et étouffait le fiancé de la nuit. Un cavalier prenait alors le corps sur son cheval pour aller le jeter dans l'Océan, au delà de la baie de Trépassés. Ainsi, tous les fiancés de Dahut mouraient au matin et étaient jetés a la mer.
La fin de la villeSaint Gwenolé venait souvent de Landévennec pour tenter de rétablir la situation, mais les habitants ne l’écoutait guère...Dieu décida de livrer la ville à Satan…
Un jour de printemps, un chevalier étrange arriva dans la ville d'Ys. Il était habille de rouge, ses mains étaient longues et fines, ses ongles pointus et recourbes. Dahut lui sourit, le chevalier ne la regarda pas. Pendant des jours, elle n’eut que lui en tête, tout le reste lui semblant fade et sans saveur. Un soir, il accepta de venir auprès d'elle. Il passa longuement ses longues mains aux ongles pointus dans les beaux cheveux blonds de la princesse. Soudain, un grand bruit s'éleva du coté de la mer et un terrible coup de vent heurta les murailles de la ville d'Ys. "Que la tempête rugisse, les portes de la ville sont solide et c'est le Roi Gradlon, mon père, qui en possède l'unique clé, attachée à son cou", dit Dahut.
"Ton père le roi dort, tu peux maintenant t'emparer facilement de cette clé par amour pour moi », répliqua le chevalier.
Cédant à la tentation, la princesse entra dans la chambre de son père, s'approcha doucement de lui et prit la clé, attachée à une chaîne autour de son cou et la porta à son amant.
En le dirigeant vers les portes de la cité, la princesse ne vit pas que les traces laissées par le jeune homme avaient en réalité la forme de sabots…
"Malheur a toi, tu as voulu voler la clé de la ville d'Ys!" … La marée était à son plein lorsque les écluses furent ouvertes. Les flots libérés s'engouffrèrent dans les rues, dévalèrent tout alentour, surprenant les gens dans leur sommeil. Mais Dieu permit que le roi fût réveillé à temps par Saint Gwenolé. Comprenant le danger, il enfourcha son cheval Morvarc’h, plaça sa fille en croupe et prit la fuite. Mais tandis que Saint Gwenolé filait comme le vent, la monture de Gradlon, alourdie par le poids de la pécheresse, s'essoufflait, tant et si bien que le flot ne cessait de se rapprocher. Gwenolé conseilla alors au roi de se séparer de sa fille, ce que le souverain se refusa de faire.
L’océan s'étant encore rapproché vint frapper les sabots de son cheval. Gwenolé renouvela son exhortation et cette fois le souverain accepta de l'entendre, la mort dans l’âme. Aussitôt le cheval bondit délivré et les vagues ralentirent leur course, ce qui permit aux deux hommes d'atteindre promptement la terre ferme. Derrière eux la mer avait déjà recouvert les toits et les plus hauts monuments de la ville.
Gradlon se réfugia à Quimper, qui fût sa nouvelle capitale. Une statue équestre de lui fut réalisée et elle est toujours aujourd'hui entre les flèches de la cathédrale Saint Corentin.
Certains racontent que Dahut, après sa mort, devint une sirène et qu'elle apparaît aux pécheurs les soirs de lune, peignant sa longue chevelure d'or. Ils disent aussi que par temps très calme on peut entendre sonner les cloches de la cite disparue.
Gwelas-te morverc'h, pesketour
O kriban en bleo melen aour
Dre an heol splann, e ribl an dour ?
Gwelous a ris ar morverc'h venn,
M'he c'hlevis o kanann zoken
Klemvanus tonn ha kanaouenn.
(As-tu vu, pecheur, la fille de la mer,
Peignant ses cheveux blonds dores
Au grand soleil sur le bord de l'eau ?
J'ai vu la blanche fille de la mer,
Je l'ai même entendu chanter,
Plaintifs étaient l'air et la chanson. )
La légende rapporte que la ville d'Ys s'élevait dans la baie de Douarnenez. Le lieu-dit Pouldavid, quelques kilomètres a l'est de la ville de Douarnenez, est la forme francisee de "Poul Dahut", le "trou de Dahut" en breton, et indique l'endroit ou la princesse fut engloutie par les flots.
On dit aussi que la ville d'Ys etait la plus belle capitale du monde et que Lutèce fut baptisée Paris car "Par Ys" en breton signifie "pareille a Ys". Deux proverbes populaires bretons en témoignent:
Abaoue ma beuzet Ker Is
N'eus kavet den par da Baris
(Depuis que fut noyée la ville d'Ys
On n'en a point trouvé d'égale a Paris)
Pa vo beuzet Paris
Ec'h adsavo Ker Is
(Quand Paris sera englouti
Resurgira la ville d’Ys)
Aujourd'hui encore, il arrive que, par temps calme, les pêcheurs de Douarnenez entendent souvent sonner les cloches sous la mer et disent qu'un jour Ys renaîtra. Plus belle que jamais. [b]