Voici un petit post sans prétention pour vous parler de ce sujet quelque peu méconnu qui me tient beaucoup à coeur...
Le 26 janvier 1903, un violent incendie ravagea la bibliothèque nationale et universitaire de Turin. Les nombreux trésors que contenaient cette bibliothèque eurent beacoup de mal à en être préservés…
En 1900, cette bibliothèque possédait entre autres 1095 incunables, 10321 estampes, 4138 manuscrits ! Elle concentrait énormément d'oeuvres uniques et inestimables.
Ironie du sort, c’est sur les manuscrits que le fléau semble s’être abattu avec le plus de violence….
Pour les livres, on arrivera, avec du temps et de l'argent, à reconstituer, ou peu s'en faut, la collection. La perte des incunables et des estampes n'est peut-être pas irrémédiable, encore qu'il soit a priori évident que certaines planches et certains exemplaires aient été représentés à Turin seulement. Celle des manuscrits l'est tout à fait, d'autant plus qu'il reste difficile de la mesurer avec exactitude, la plupart n'étant pas "recensés" dans les catalogues...
Ont ainsi été perdus par exemple cinq manuscrits du Roman de la Rose (quatre du XIVe et un du XVe siècles), les Heures de Savoie, de Turin ou de Jean du Berry…
Fort heureusement, on a pu, (paraît-il), sauver environ le cinquième des manuscrits, et dans ce nombre semblent figurer quelques uns qui étaient particulièrement précieux : le commentaire sur l'Apocalypse avec miniatures espagnoles datant du XIIe s. , une Historia Naturalis de Pline, du XVe s. …
Ce qui est très émouvant est la perte de manuscrits uniques : le Chevalier errant du marquis de Saluces par exemple. Se dire qu’ils avaient réussi à survivre au temps et tout ce que cela comporte, pour littéralement partir « en fumée » au bout de tant de siècles, sans que personne ne puisse jamais plus les lire, ni même tout simplement les admirer… Tant d’œuvres d’art qui n’ont pas été résumées et dont nous n’avons aucune idée de ce qu’elles contenaient, ni même de leur existence…
Il a fallu aussi très rapidement restaurer les fragments retrouvés : les manuscrits et les fragments de manuscrits échappés au feu couraient un grave danger : la putréfaction consécutive à la fermentation du parchemin. On prit, au laboratoire de toxicologie de l'Université, toutes les mesures nécessaires contre ces effets délétères de la putréfaction.
C’est après cet événement qu’a été lancée l’idée de photographier les manuscrits les plus précieux, et de les soustraire ainsi à un accident unique et irrémédiable. De nos jours, on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’apporte le numérique pour la conservation des documents, par exemple « Mandragore », la base de donnée iconographiques de la BNF…
Comme le dira si bien Georges Bourgin (historien / archiviste) : « aucun effort ne doit être épargné pour protéger les richesses périssables du patrimoine intellectuel de l'humanité »